Jour 1 : Départ 14h30 de Mindelo. Ce matin, plusieurs bateaux sont déjà partis pour la transat et nous partons en même temps que 2 autres bateaux avec qui nous avons échangé sur les stratégies de routage et les analyses météo, les caps à suivre pour avoir le meilleur vent et le moins de houle.
Nous avons fait quelques dernières courses, mangé une bonne salade de pâtes, préparé les prochains repas (Romane, notre équipière a fait 1 kg de riz ! ).
Quelques pas sur le ponton, saluer les compagnons de quai et on largue les amarres, sans une certaine appréhension…
En bref, on sait que le créneau n’est pas déconnant puisque de vieux loups de mer bien expérimentés partent le même jour que nous. On a tout ce qu’il faut d’avitaillement pour que l’équipage tienne une bonne vingtaine de jours. Moralement, on ne sait pas vraiment si on est prêts, mais il faut bien y aller, alors c’est parti !
A peine partis, les amis du bateau Caracole qui étaient au mouillage à Mindelo rejoignent le sillage de Rocinante en annexe à grand renfort de corne de brume, force de cris et d’encouragement viennent fêter notre départ et nous lancer les dernières forces pour cette longue traversée, ça fait chaud au coeur !

Jour 2 : 1ère nuit passée, l’équipage discute un peu, apprend à se connaître en conditions de navigation. On réalise le temps long, les voiles sont réglées, on a du temps pour regarder l’horizon. La houle est très longue, on ne subit pas trop.
Nous avons fait le choix de faire cap un peu plus au sud que notre destination, au 230 pour quelques centaines de miles, puis de revenir progressivement vers le 240, puis 250 etc. jusqu’au 270 (plein ouest) qui est le cap de notre destination: la Martinique .
Niveau cuisine : Salade de riz, pour écouler le kilo.
Jour 3 : Le rail de de cloche de tangon est sorti du mât. Rien de dramatique, mais sans cloche de tangon, plus de tangon. Et sans tangon, le vent arrière avec le génois et la houle va devenir franchement désagréable : la voile va claquer sans cesse mettant à mal le matériel et les nerfs de l’équipage.

En conséquence : 1er bricolage en mer, on sort la marteau, la perceuse, les mèches et la riveteuse. Une réparation de fortune, sachant qu’il faudra l’intervention d’un professionnel pour tout redresser une fois arrivés, mais là au milieu de l’océan, on fait, littéralement, avec les moyens du bord.
Et pour les jours à venir, vérification de la réparation toutes les heures pendant les quarts.
Cela nous incite à réaliser une vérification exhaustive de tout l’accastillage de pont : manilles, vis, boulons, drisses, écoutes, « bouts », … rien n’échappe à notre vigilance. On prend garde à ce que le matériel ne souffre pas : il va falloir tenir sur la longueur, cette navigation est un marathon !
La houle et le vent plutôt calmes nous permettent de sortir le Spi : c’est beau ! Et on est plutôt content de notre moyenne jusqu’ici alors on se donne les moyens de la conserver.


On profite aussi de cette accalmie pour sortir du saucisson pour l’apéro et on se fait un écrasé de pommes de terre/carottes avec des légumes (on n’en peut plus du riz à tous les repas). L’équipage est ravi. La bouffe c’est quand même la base pour le moral de l’équipage.
Jour 4 : On est pas mal brassé par la houle, pas une grosse houle mais une « mer du vent » Nord Est qui n’est pas en accord avec la houle Nord Ouest… Une mer croisée, assez inconfortable. mais le moral est bon.
Tentative de première pêche : le leurre a cédé, ça devait être un gros poisson ! Tant pis pour cette fois.
On s’active à la cuisine : riz au lait (pour finir ENFIN le riz!) et crumble aux pommes, pour les prochains goûters et desserts.

1ères parties de belote à l’apéro, même si les cartes avec le roulis et le vent, c’est pas l’idéal.
Journée entière sous Spi, avec Barnab (notre pilote) à la barre.
Jour 5 : 1ère douche à l’eau de mer puis rinçage à l’eau douce grâce à notre douche solaire ! Ca fait du bien ! Big UP aux savons à l’huile de coco et la menthe poivrée (et autres senteurs dont on a pas vraiment retenu le nom) que notre maître savonnier Montpelliérain (Douns) nous a savamment confectionnés pour être compatible à l’eau de mer.
Toujours cette mer croisée inconfortable.
Les bricolages à bord vont bon train, notamment pour tangoner le génois sans abîmer le matériel. Sur une nav si longue, sans trêve pour le bateau, tout s’use plus vite. Notre écoute de génois, en une nuit, a été toute entamée et prête à céder à force de raguer contre le tangon (désolés pour tout ces termes techniques, c’est pour les fan de voile 😉 D’ailleurs, pour les « voileux » qui nous lisent nous avons trouvé un montage qui semble parfaitement adapté, qui nous permet de « tangoner le génois» en sécurité, et qui n’abîme pas le matériel, et qui permet d’enrouler rapidement et sans réveiller tout l’équipage si le vent forcit. N’hésitez pas a nous demander des détails en commentaire, on vous expliquera tout ça)

Jour 6 : C’est dimanche, alors on fait comme un dimanche.
Petit coup de mou généralisé pour l’équipage, on sieste et on lit beaucoup.
Le vent est monté un peu et la houle aussi, c’est moins confortable que les jours précédents, hors de question de sortir le spi, mais tout le monde est bien amariné, donc pas de mal de mer à déplorer. On avance sous génois seul tangoné.
Et malgré un 3ième jour de mer croisée : on a du temps pour regarder l’océan. Chacun dans ses pensées, tantôt à l’avant du bateau, tantôt dans sa couchette, tantôt dans le cockpit.
On a passé un méridien aussi, alors on change nos montres et on recule d’une heure ! Youpi, ça fait plaisir, ça veut dire qu’on avance !
Pour remettre l’équipage sur de bons rails, on sort notre conserve de confits de canard du sud ouest, avec des bonnes pommes de terre, ça fait du bien au moral.


Jour 7 : Journée pêche : une dorade coryphène et une Sériole. Ceviche de dorade à l’apéro : on est ravi.



On avance toujours avec le génois seul tangoné.
Comme tous les jours, repas, vaisselle, etc. Les rituels quotidiens commencent à s’établir, tout le monde trouve progressivement sa place sur le bateau.
4ième jour de mer croisée, on a l’impression que la mer est davantage croisée le matin entre le lever du soleil et 14h, et qu’elle finit par se ranger un peu dans l’après midi et le début de la nuit…
Petite vidéo pour vous démontrer le challenge de faire la cuisine 😉 :
Jour 8 : Jour de manœuvre.
On tente de se mettre en ciseaux : génois tangonné à l’avant, GV à l’arrière. Une bonne demi-heure de manœuvre, mais le vent n’est pas assez soutenu et avec la houle, ça claque sans cesse ! On tient l’après midi et avant le coucher de soleil, on remanoeuvre pour passer la nuit sous Génois tangonné seul.

C’est aussi jour de lessive pour certains équipiers : dans un seau, à l’eau salée, avant rinçage à l’eau douce.
On commence à voir que notre quantité d’eau douce est bien gérée, donc on peut se faire plaisir :
Pour Malina, c’est 1er shampoing depuis le départ (dans un seau toujours) : ça fait du bien !
On se lance dans des jeux à l’apéro, et en cuisine aujourd’hui : gâteau au chocolat et pain de semoule (on avait plus rien pour saucer!)
Mer toujours croisée avec les mêmes observations, plus difficile le matin que l’après midi et le début de nuit.
Jour 9 : Aujourd’hui, on va avoir fait la moitié du parcours, on fête ça le soir avec un cassoulet (en boîte oui, mais quand même !)

Le vent est constant, peu de houle aujourd’hui, ça repose !
Malina peut même faire des étirements sur le pont (l’absence de marche et de mouvements commence à se faire ressentir dans le dos!)
Jour 10 : Mise en place des voiles en ciseaux : GV + Génois tangonné sur l’autre bord, on avance bien !
Le vent s’est levé, on est maintenant dans un alizé plutôt soutenu entre 18 et 25 nds.
La houle et la mer du vent toujours pas accordés sont de retour, mais moins inconfortabe qu’en fin de semaine dernière.
Jour 11 : Début des grains. Un grain, c’est un gros nuage plein d’eau (mais sans orage dans nos cas), qui nous passe dessus, lève soudainement beaucoup de vent, et beaucoup d’eau.
C’est pas rigolo, ça demande de la vigilance, et beaucoup de manœuvres…


On s’en prend 3 dans la journée et encore 3 dans la nuit.
Le pont est rincé, ça fait du bien au bateau et au matériel.
On revient aux observations de la semaine passée côté houle et mer du vent, difficile le matin avec une tendance à se ranger plus favorable à partir de 14h00.
Jour 12 : Encore des grains, l’équipage fatigue.
Rafales à 40 nœuds changement de direction du vent de plus de 60 degrés, mer toujours croisée.
Encore un changement d’heure aujourd’hui : on passe à UTC – 3,
On fait du pain (du vrai pain boulanger) pour remonter le moral de l’équipage !

Jour 13 : Avarie de système barre.
Dans la mer croisée, grosse frayeur, un petit départ au Lof (désolé les non voileux) alors que Romane est à la barre cette dernière tourne dans le vide soudainement et ne répond plus…
Un câble du système de renvoie entre la barre à roue et le safran a cédé, tous ces câbles avaient été changé en 2024, c’est le sertissage, pourtant réalisé par un professionnel, qui a lâché…
En urgence, on sort la barre franche de secours, Malina reste 2 h non stop sur cette barre (très fatigante car peu de démultiplication des forces et de débattement). Le reste de l’équipage, mené par Bazile, procède à la réparation. Finalement ce n’est pas une très grosse panne, en tout cas nous avons tout ce qu’il faut à bord pour réparer.

Ca aurait être bien pire et nous nous en sortons plutôt pas mal car nous avons tous les éléments pour réparer.
En fin de journée, Eric, notre équipier a chuté contre une cloison, il s’est fait une plaie superficielle à l’arcade nécessitant quand même la mise en place de strips .
Toujours beaucoup de vent attendu pendant la nuit, l’équipage doit rester vigilant et veiller aux accélérations soudaines.
L’ambiance est toujours bonne, mais tout le monde ressent la fatigue, après les émotions du jour !
Jour 14 : Les grains, encore des grains, toujours des grains… et une mer croisée le matin… On vous en a déjà parlé 😉


Mais aussi un gratin de butternut confit au four, avec un riz brulé au chorizo (MIAM)
Jour 15 : Ca commence à sentir l’arrivée…. Le mauvais temps prévu par la météo n’est pas si mauvais, et ça, ça réjouit l’équipage ! Il faut dire que le navigateur en chef nous a mené dans un mouchoir de poche, un petit couloir de vent entre deux systèmes nuageux qui font qu’on est plutôt à l’abri des grains.
La mer s’amplifie, on prend de beaux trains de houle de plus de 3m de hauteur ce qui peut être assez impressionnant, mais elle est plutôt bien rangée (pas de mer croisée). On profite du soleil et des moments de calme relatifs, tout le monde lit, se repose, on tente la pêche, mais à part des sargasses, on est bien moins chanceux sur cette fin de traversée.
Ce soir là on a tenté les raviolis en boite… (plus jamais !!).
Jour 16 : On passe à UTC – 4, heure de la Martinique : quel plaisir ! Il nous reste moins de 100 Miles…. Tout l’équipage trépigne.
A 25 Miles de l’arrivée, c’est Baz qui crie le premier : TERRE !! On voit la montagne Pelée !


Quelques heures plus tard, après un beau grain et vent de face dans l’entrée de la baie de sainte Anne, on prend une bouée au Marin, la joie est indescriptible. On saute à l’eau, on fait péter une bouteille de champagne prévue pour l’occasion, on se félicite, on rit, on pleure, on exulte… brefs moments de joies inénarrables !






On l’a fait !!! En 16 jours exactement, c’est dans la fourchette basse de nos estimations.
Epilogue météo : une fois à terre et après diverses discussions avec des copains, d’autres bateaux et quelques terriens avisés : tout le monde s’accorde pour dire qu’on a eu une transatlantique difficile du point de vue météo, et notamment de la houle et des grains. Le système dépressionnaire de l’Atlantique Nord n’y est pas pour rien. Nous avons navigué sous (bien que très au sud) les dépressions qui forment aujourd’hui les tempêtes Eowyn et Herminia qui touchent l’Irlande et l’Ecosse principalement, mais également le Golfe de Gascogne (retardant même les arrivées du Vendée Globe). Cela a un impact important sur l’état de la mer et de l’Alizé, levant notamment une houle de Nord Ouest qui n’est pas habituelle dans ces latitudes et générant quelques accélérations de vent et davantage de grains que dans des configurations normales.
Bref, on l’a fait, on n’est pas peu fiers, et maintenant : à nousles Caraïbes!

Les Romanibaz.
Dingue d’avoir fait ça ! Merci pour le partage de votre traversée, les photos, les vidéos, et les détails techniques, même pour les non voileux, c’est chouette parce qu’on s’y croit sur ce voilier ! Que d’émotions ! Quel sang froid face à toutes vos galères techniques. Bravo ! On attend la suite de vos aventures, certainement plus calmes, avec impatience 😘
(presque) comme si j’y étais ! C’est formidable !! Bravo !
Bravo à tous!
On lit que vous aviez bien préparé ce périple, mais ce n’est tout de même pas une mince affaire que de traverser l’atlantique!
Reposez-vous bien et profitez de la Martinique ❤️
Bravo sou ! Vous pouvez être fiers de vous ! Merci pour ce partage c’est top de pouvoir mieux imaginer votre traversée…j’en ai des frissons rien qu’à vous lire ….. profitez bien de la suite filia
Encore bravo pour cette belle transat menée de main de maître! Et merci pour vos récits qui nous permettent d’avoir l’impression d’embarquer avec vous ♥️.
Un nouveau chapitre s’ouvre pour vous avec la nav entre les îles, soleil et cocotier. On a hâte de suivre ça 😍
Des bises
Incroyable cette traversée ! 16 jours à surveiller l’apparition du petit point sur Polarsteps, on n’imaginait pas toutes ces frayeurs et cet inconfort (c’était peut-être pas plus mal).
Merci pour le récit d’aventures !
On a hâte de vivre vos aventures caribéenne.
Gros bisous 😘
Bravo !
le chenal des Sables vous attend d’abord pour vous accueillir à votre retour puis pour 2028 !
Bon je n’ai pas tout compris 😉 mais je compris que c’était quand même épique !
Je note le four rocking chair, j’adore :)))
Profitez bien des Caraïbes !
Des bises !
En tout cas super ma nièce, ça c le côté Russe de féliciter la famille d’abord, et bien sûr félicitations à tous! Trop fière de vous. Se laisser emmerder par une cloche, même de tangon c’est ballot!!! La prochaine fois on teste avant sur la Grande Bleue!!! Là le rail c’est bien ouvert!!!
Le principal étant d’arriver à bonne bouée du « Marin ». Bon un petit « mate » de tout avant de repartir aurait dit ton père, en tout il peut etre fiere de toi(vous)
Bisous, le reportage est super!!!Merci….à bientôt pour la suite…
Waouh !! Quelle traversée ! 😎
Merci de nous prendre à votre bord pour cette aventure.
C’est un régal de vous accompagner…installée bien au sec sur mon canapé 🙂
Et merci pour tout ce vocabulaire étrange. Je vais vous en piquer un peu pour tenter un » va te faire tangonner le génois » au prochain qui se permet de me faire une queue de poisson en voiture ! Aprés tout, ça reste dans le domaine du maritime même si je vais l’utiliser sur la terre ferme.
Encore bravo pour votre courage à tous les 4.
Vous avez bien mérité un transat sur la plage et un plongeon dans les saveurs des spécialités locales🍹🍹🍹🍹
Bises, ã tout bientôt
Isa
Bravo à tous les 4! Super chouette le blog🥳🥳
Profitez bien et des bises