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Le terme « traverser » nous vient de ce que l’académie français appelle très emphatiquement le « latin populaire du Xème siècle ». Il est notamment issu de « traversare » qui est une altération de « transversare » qui signifie à l’origine « remuer, pétrir » , puis « passer d’un bord à l’autre » , lui même composé à partir de « trans » pour « au-delà de ; à travers » et de vertere « tourner ».

De notre coté, de plus en plus éloignés des premiers frimats qui s’abattent sur la métropole, du 25 quai Conti et des oreilles des cerbères qui sévissent en ces lieux, nous parlons en général de « traversée » à partir du moment où l’on passe plus d’une journée en mer en s’éloignant suffisament des côtes pour qu’elle ne soient plus visibles.


Celle que nous avons faite pour relier Rabat à Lanzarote (Canaries) était notre première traversée en duo sur une durée aussi longue (90h, soit presque 4 jours et 360 miles). Un bon entraînement pour celle de l’Atlantique qui nous attend le mois prochain.

Nous sommes donc bien arrivés à Arrecife sur l’ile de Lanzarote, la plus occidentale des canarieennes ce dimanche à 1h du matin. Evidemment, nous sommes ravis et pas peu fiers d’avoir emmené le Rocinante jusqu’ici ! D’aucuns dans l’équipage diront que c’est plutôt le Rocinante qui nous a emmené… Il y a ici un débat, qui n’est pas uniquement sémantique, mais que nous vous épargnerons sur le blog (on a déjà commencé avec du latin et l’Académie, on va pas en rajouter…) et conservons nos théories pour les apéros avec cell.eux d’entre vous qui nous ferons le plaisir de venir partager un bout de notre année d’aventures.

Mais QUID alors des navigations, de ces fameuses traversées ? Alors, oui : elles évoquent des couchers et des levers de soleil, le bateau qui glisse accompagné par le doux bruit des écoulements de l’eau sur la coque, des cieux étoilés la nuit, ou encore des dauphins curieux qui viennent jouer dans le sillage du bateau…

Tout cela existe, nous avons vécu des moments magiques durant cette traversée, tout comme nous avons aussi vécu des moments qui nous rappellent que l’éthymologie « remuer, pétrir » n’est pas un contre sens dans notre contexte bien particulier.

Pour cet article de blog, nous avions envie de vous parler de choses plus pratico-pratiques et tenter de répondre aux questions que vous vous posez peut-être sur le quotidien d’une traversée à la voile.

Tout d’abord, il faut garder en tête que pendant une traversée, le voilier ne s’arrête pas. Non on ne peut pas se garer au milieu pendant la nuit pour piquer son meilleur roupillon et repartir ensuite de là où l’on s’est arrêté. Au pire on fait une manœuvre qui s’appelle une mise à la cape, mais le bateau est alors à la merci de la houle et des courants et dérive inévitablement (et c’est rarement dans la bonne direction).

Ensuite, on ne peut pas tous aller se coucher pendant que le bateau navigue tout seul, bien que l’océan soit grand il est de mise (et même obligatoire) d’avoir toujours une personne éveillée sur le pont pour surveiller que tout aille bien au niveau des réglages des voiles et du cap, pour identifier d’éventuels phénomènes météos non prévus (grains, grosses vagues, orages, ou dans le cadre de cette traversée les fameux « bouchons convectifs orageux » qui remontent du Sénégal précédés d’un vent chaud faisant monter la température ressentie de 5 à 10 degrés et sous lesquels le vent forcit de manière stupéfiante…) ; faire régulièrement des tours d’horizon pour identifier d’éventuelles routes de collision avec d’autres bateaux (notamment les cargos, ferrys et les bateaux de pêches), des OFNIS (objets flottants non identifiés) et surtout (pendant cette traversée notamment) les filets de pêche dérivants – il y en a beaucoup le long des côtes marocaines nous en avons croisé jusqu’à 20/30 miles des côtes parfois étendus sur 3 miles de long et 2 de large. La plupart du temps ils sont très mal signalés, ce qui fait qu’on les voit seulement au dernier moment et qu’il faut modifier la trajectoire du bateau de manière parfois incongrue.

Pour assurer cette veille nous nous répartissons les heures de nuit en « quarts » durant lesquels une personne est responsable du bateau et les autres (ou l’autre quand on est à deux) sont libres de vaquer à leurs occupations favorites (généralement on dort).

Pour cette fois, à 2, nous avons testé 21h-00h et 4h-8h pour l’un et 00h-4h et 8h-11h pour l’autre.

Nous avons remarqué que, quelles que soient les conditions, la 2ème nuit est toujours la plus difficile, puis que, dès le troisième jour, les corps s’adaptent et un rythme de fond se met en place.

Il faudra que l’on trouve ce bon ryhtme de quarts pour la traversée de l’Atlantique, et ces quelques premières « traversées », en équipage à 4 puis à 2 nous ont permis d’éprouver quelques configurations et de se rassurer sur nos capacités.

Vous l’aurez compris, la mise en place de ces quarts est indispensable pour l’expérience des équipiers sur les traversées d’une durée supérieure à 24/48h, elle permet de gérer au mieux la fatigue de chacun et d’assurer une conduite et une surveillance 24/7 du bateau et de son environnement.

Et concrètement, qu’est ce qu’il se passe pendant un quart ? N’allez pas imaginer que l’on passe tout le temps les deux mains sur la barre ; sauf quand les conditions météo nous y obligent : mer et vents trop forts, ou quand nous avons la chance d’embarquer des équipiers zélés qui adorent barrer même parfois quand c’est pas leur quart (encore merci Arno !).

Pour le reste : il y a « Barnab’» ! Barnab’ c’est notre fidèle compagnon et 3ème matelot au look des années 90 (les plus vieux d’entre vous se rappelleront du tableau de bord de Kitt dans k2000): notre pilote automatique qui se charge tout seul de faire tourner la barre en suivant un cap prédéfini.


Lorsque c’est calme et que « Barnab’ » est aux commandes, l’équipier de quart peut donc lire son meilleur bouquin à la frontale, écouter des podcasts avec ses écouteurs, contempler l’horizon, les étoiles et des dizaines d’étoiles filantes par quart, les levers et couchers de lune, les va-et-vient des cargos et/ou bateaux de pêches, observer les défilés de poissons volants sur l’étrave du bateau dans les rayons de lunes, la venue improbable d’un banc de dauphins curieux ou encore optimiser le réglage des voiles pour avancer plus vite, écouter les différents bruits du bateau et parfois même piquer un peu du nez (mais sans se faire chopper par la capitaine, bien qu’elle soit pas la dernière à piquer du nez pendant son quart)…


Côté intendance : tout s’anticipe. Par exemple, la cuisine en mer peut s’avérer un vrai chemin de croix, notamment lorsqu’on fait fait du « près » (lorsque que le bateau remonte face au vent) ce qui génére 10 à 20 degrés de gîte (le bateau est alors penché sur un bord) !

Avant chaque traversée, nous prévoyons une liste et un nombre de repas et faisons l’avitaillement (les courses) en conséquence. En général, on essaie d’en cuisiner un ou 2 d’avance pour avoir toujours quelque chose à manger sous le coude et mettre en tupperware au frigo : nous n’avons jamais été si organisés en tant que terriens ! (Et si ça semble plutôt facile pour 4 jours à deux nous apréhendons un peu l’avitaillement qui précédera notre traversée de l’atlantique qui devrait durer une vingtaine de jours à 3 ou 4 équipiers).

Quant à la vaisselle : un seau, de l’eau de mer et hop.

Mais tout est un peu plus compliqué : disons qu’il ne faut pas oublier de s’attacher et bien se tenir !

Côté hygiène : pas de douche (nous avons quand même une douche solaire de 10 litres sous pression) et pas d’eau chaude à bord de Rocinante, la toilette c’est donc au gant, à l’ancienne !

Voilà pour les grandes lignes des quarts, n’hésitez pas à nous poser des questions dans les commentaires du blog s’il en restait.

Et, pour conclure, si après cette description, vous vous dîtes qu’une traversée, c’est le rêve de votre vie, on a un ou deux postes à pourvoir, voir l’annonce ci-après  :

Vous détestez les fêtes de fin d’année, Noël et ses chocolats, les longs repas de famille interminables ? Que cette année : la cousine mysogine, le tonton facho, et la grand-mère relou, ce serait de trop pour vous (et si vraiment ça venait a vous manquer, on doit pouvoir faire de très belles imitations) ! Que le réveillon du nouvel an sous les étoiles de l’atlantique, bercés par les chauds alizés dans les voiles et le bruissement de l’eau sur la coque  – ça vous parle :

Venez transater avec nous ! Départ autour du 20 décembre (probablement des canaries bien que l’option cap verdienne ne soit pas totalement éliminée à cette heure), direction la Martinique avec arrivée probable autour du 10 janvier (± 5 jours) !

N’hésitez pas à nous contacter pour plus de détails ! C’est une annonce sérieuse, quand bien même nous nous rendons compte que nous n’aurions pas de mal à trouver des équipiers ici (nous sommes aux canaries depuis moins de 24h et avons déjà rencontrés plusieurs personnes intéressées sur les pontons. Les murs des sanitaires sont remplis de petites annonces d’équipiers qui recherchent des bateaux pour traverser), nous préférerions très largement partager cette expérience avec famille et/ou amis.

A vite!

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